04/02/18: artìculu in u ghjurnali bascu BERRIA.
BERRIA
CONTRE LA MONTRE
Ander Perez Zala, Sartène, envoyé spécial (04/02/18)
La langue Corse est en danger d’extinction. C’est ce que dit
l’UNESCO et les Corses en sont bien conscients. La langue n’a pas de statut
légal ni en Corse ni en France, et le nombre de locuteurs a baissé ces
dernières décennies. Les associations pour la langue corse travaillent contre
la montre et leur objectif est la renaissance de la langue et la co-officialité,
afin qu’elle ne se perde. Aujourd’hui le développement de la langue se trouve
face à une situation qui pourrait renverser cette tendance négative : le
travail fait à travers l’éducation est entrain de porter ces fruits, et la
victoire des nationalistes pourrait donner un souffle nouveau à la langue.
Cependant il reste beaucoup à faire.
Il est difficile de préciser combien il y a de locuteurs. Il
n’y a pas de statistiques officielles et il n’y presque pas eu d’enquête à
proprement parlé. Il y eu une consultation à la population faite en 2012 à la
demande du gouvernement Corse : selon les données recueillies à ce
moment-là, il y avait entre 86 000 – 130 000 locuteurs en langues corse, sur
300 000 habitants. Selon la même source, c’était des locuteurs actifs, et 20
000 était capable de comprendre et d’avoir une petite conversation en langue
Corse. Au total 150 000 locuteurs, la moitié de la population à cette époque.
Ce nombre est cependant trop exagéré selon Michelli Leccia Président et Porte-parole
de « Parlemu Corsu ! »
: « Cela nous étonne que le nombre
de locuteurs soit 130 000. Nous pensons qu’il faut aller vers les estimations
les plus basses. C'est-à-dire 86 000. Selon nous le nombre de locuteurs tourne
autour de 60 000 – 70 000. Pourquoi la consultation donne un résultat plus élevé ?
Car beaucoup ont un fort sentiment d’appartenance à la Corse, à l’île et parce
que leurs familles sont d’ici depuis toujours, et ils n’osent pas dire qu’ils
n’utilisent pas la langue corse.
C’est au nord-est que
l’on parle le plus le Corse, là où la Corse est la plus peuplée. C’est là que
se trouvent Bastia, Calacuccia, Ponte-Leccia, Corté, Ghisonaccia… ». En
comparaison, ces lieux ne sont pas les plus touristiques, et sont plus liés aux
petits villages. C’est là que l’on parle le plus le Corse »
La Transmission va vers le bas.
Il y eut une décroissance dans la transmission le siècle
dernier, car on ne liait pas le corse au succès social. On disait aux Corses
que pour sortir de la misère et pour avoir un statut dans la société, qu’il
était nécessaire de donner de l’importance au français. Et nombreux sont ceux
qui ont appliqué cette idée à leurs enfants. « Par
exemple, moi-même lorsque j’étais petit je ne l’utilisais pas. Mes parents oui,
surtout dans la rue, lorsqu’ils rencontraient des amis, mais lorsqu’ils
parlaient avec moi ou avec d’autres enfants, ils nous parlaient en français.
Cela fut une tendance systématique : les adultes parlaient entre eux en
corses et avec les enfants en français. C’était cela le mode de pensée. »
« En plus de la
perception sociale, en conséquence des deux guerres mondiales, le nationalisme
français s’est beaucoup développé et cela a eu un effet notoire dans la
transmission de la langue corse. Les guerres avaient de plus empiré l’économie
de l’île et nombreux sont ceux qui furent obligés de s’engager dans
l’armée ; par conséquent le nationalisme français à dominé. Depuis la 1ère
guerre mondiale déjà le nombre de locuteurs avait commencé à baisser. Les
français sont arrivés au XVIIIème siècle mais jusqu’en 1914 presque tout le
monde parlait corse sur l’île. Je n’ai pas connu mes grands-parents mais je
sais que ma grand-mère ne parlait pas français et que mon grand-père avait dû
l’apprendre durant la guerre. Jusqu’à la 2nde guerre mondiale, la
majorité parlait corse ; après ça a beaucoup baissé et dans les années 70
seulement la moitié le savait. »
La situation actuelle :
Le panorama actuel est clair. On perd les anciens locuteurs
corses, acteurs importants pour la transmission, mais en même temps de nouveaux
locuteurs naissent ces dernières années et de plus en plus de jeunes savent
parler corse. « Il y a plus de locuteurs
corse de 20 ans qu’avant. Il y a eu une coupure dans la transmission au siècle
passé et les enfants ne parlaient pas corse. Maintenant par contre la tendance
est entrain de s’inverser.» selon Leccia. Il souligne
particulièrement les nouveaux arrivants : « Tous
les ans plus de 5000 personnes viennent d’ailleurs vivre en Corse. Leurs
enfants sont des locuteurs potentiels et les parents et enfants prennent la
langue corse comme un signe d’attachement et d’union à l’île. Nombreux de ceux
qui viennent d’ailleurs se rendent compte qu’ils doivent apprendre le corse. Et
ça s’est positif, mais nous n’allons pas réussir à sauver notre langue
seulement avec les nouveaux arrivants ; ceux d’ici aussi doivent se rendre
compte que cela dépend aussi d’eux. »
Récupération de la langue.
Certains parents s’impliquent. A travers leurs enfants ils
se rendent compte de la nécessite de récupérer la langue corse ; et de
nombreuses personnes qui avaient perdu la langue vont aussi s’y mettre. Mais
pour accomplir cette tâche Leccia
parle du besoin de moyens :
« Si nous accroissons les moyens nous arriverons à sauver la langue.
Maintenant il y a une nouvelle dimension : il y des personnes qui veulent
revenir vers la langue corse, ils sont de plus en plus nombreux. L’enseignement
s’accroit, des centres privés s’ouvrent de plus en plus…, par exemple, moi je
suis de Porto-Vecchio et là-bas il y des cours pour adultes ou 120 adultes
participent. Et ça s’est beaucoup si on tient compte que la ville n’est pas
très grande. Et à Ajaccio, à Bastia et ailleurs aussi il y des centres
d’enseignement pour adultes »
Tout ceci est nouveau et « positif » pour la
langue. « On parle moins
corse qu’il y a 30ans ? Oui, mais plus qu’il ya 5-10 ans ».
L’utilisation du corse
s’est aussi ouverte vers d’autres registres : d’un côté la transmission
fait défaut car nous perdons les veux locuteurs, mais maintenant il y a de
nouveaux registres où on l’utilise. Quand j’étais petit on ne le parlait qu’à
la maison, maintenant on entend le corse à la télé, à la radio, à l’école…et
avec les nouveaux députés à l’Assemblée aussi. Paradoxalement on l’utilise
moins qu’avant dans les familles »
« Parlemu Corsu ! »
a pour objectif d’étendre le corse à tous les domaines sociaux, et le Collectif
a pour cela fait plusieurs propositions. La plus importante celle qui concerne
la formation de la langue dans les entreprises afin que tous les travailleurs
aient la possibilité d’apprendre le corse. « De
nombreux travailleurs, qu’ils soient corses d’origine ou pas, ont vu d’un bon
œil la proposition. Ils préfèrent avoir accès à cette formation durant le temps
de travail qu’après, le soir ».
En ce qui concerne la co-officialité, les politiques
nationalistes lui ont expliqué qu’il s’agit de la revendication la plus
difficile à obtenir. Vu la réaction de Paris à propos de tous les sujets, ils
ce sont rendus compte que tout sera difficile, mais que le domaine le plus
difficile sera celui de la co-officialité de la langue. « Nous avons besoin
de la co-officialité afin de refaire naître la langue, mais avec cela il faudra
des moyens, une implication réelle des institutions locales. Sinon la
co-officialité ne servira pas à grand-chose ».