Bastia (Haute-Corse), jeudi. Dominique Delporto, membre du collectif Parlemu corsu, soutient l’apprentissage du corse à l’école (ici l’école bilingue René-Subissi).
09/12/17: Artìculu in Le Parisien
Elections territoriales : à Bastia, le combat pour la langue Corse
|Philippe
Martinat à Bastia (Corse)| 09 décembre 2017, 10h39
Bastia (Haute-Corse), jeudi. Dominique Delporto, membre du collectif Parlemu corsu, soutient l’apprentissage du corse à l’école (ici l’école bilingue René-Subissi).
C'est une
revendication des nationalistes, qui devraient confirmer demain leur suprématie
acquise dès le 1er tour : que le corse soit utilisé comme le
français.
Devant
l'école Subissi, sur les hauteurs de Bastia, se dressent des panneaux pour
l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse, dont le second tour a lieu
dimanche. Les affiches sont bilingues français-corse, à l'exception de celle de
la candidate LR, Valérie Bozzi. Les parents qui attendent leurs enfants n'y
prêtent pas attention. Pas plus qu'à la plaque sur le mur de l'établissement
qui indique : « scola bislingua » (école bilingue). Comme si tout cela était
déjà entré dans les mœurs.
Avec ses HLM
et ses pavillons, le quartier Lupino, classé zone prioritaire, assume
tranquillement sa mixité sociale et culturelle. Trois mères papotent sur un
banc. Blonde aux yeux bleus, Odilia a trois enfants, un père portugais et une
mère corse. « A la maison on parle très peu corse, confie-t-elle. Je n'ai pas
eu la chance qu'ont mes enfants de l'apprendre. Après, ils en feront ce qu'ils
voudront. » Christelle, « un côté corse et l'autre pied-noir espagnol », a une
fille de 9 ans à l'école bilingue. « Au moins elle apprend sa langue, sa culture,
se félicite-t-elle. Et puis, grâce à cela, les enfants s'ouvrent à d'autres
choses. »
Vanessa,
Corse pur jus, est plus radicale : « Pour moi l'enseignement du corse devrait
être obligatoire dans toutes les écoles. Au collège, ils imposent l'anglais alors
que le corse, c'est juste une option. » Quand on lui demande ce qu'elle a voté
dimanche dernier, la jeune brune aux yeux sombres rétorque : « Vous devez bien
vous en douter ! » Nationaliste, bien sûr. Christelle et Odilia, tout aussi
attachées au corse, reconnaissent faire partie des abstentionnistes...
Le nombre de
locuteurs régresse
Une chose
est sûre, la langue natale de Napoléon revient de loin. Casquette de marin
vissée sur la tête, Jean, 81 ans, est venu chercher son petit-fils. « Dans ma
famille on ne parlait que corse, se souvient cet ancien docker. Y a qu'à
l'école où, quand on utilisait le corse, on recevait des coups de règle et des
gifles. Maintenant, quand j'entends les petits chanter en corse pour le
Téléthon j'en ai la chair de poule. »
Membre du
collectif Parlemu corsu (parler corse), Dominique Delporto a découvert le corse
lorsqu'il est revenu sur l'île à l'âge de 10 ans avec ses parents. « Je sentais
qu'il me manquait quelque chose, raconte ce passionné, en soulignant que sur le
plan pédagogique la connaissance du corse, très proche du latin, facilite
l'apprentissage de l'orthographe en français. Quand on parlait de la langue
corse il y a vingt ans, c'était très conflictuel, ajoute-t-il. Plus maintenant,
peut-être parce que les gens ont pris conscience qu'il faut sauver le corse. »
Malgré les efforts conjugués de
l'Etat, de l'Education nationale et de la collectivité territoriale de Corse
(TCT), le nombre de locuteurs corses régresse. D'où la revendication, qui
dépasse les cercles nationalistes, de la co-officialité : mettre sur un pied
d'égalité le corse et le français dans tous les domaines, notamment
administratifs. « C'est un passage obligé, assure le nouveau maire simeoniste
de Bastia, Pierre Savelli. Mais on n'obligera pas les gens à rédiger en corse
et personne ne dit qu'on ne parlera plus français, sinon cela voudrait dire
qu'on s'est trompés de combat. » Pour l'heure, Paris fait la sourde oreille à
la co-officialité. Mais il en faut plus pour décourager le maire de Bastia : «
On est sereins, on sait qu'on va l'obtenir. »